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MANET, Édouard (1832-1883), Stéphane MALLARMÉ (1842-1898) et Edgar Allan POE (1809-1849)
Le Corbeau. The Raven. Poème par Edgar Poë. Paris : Richard Lesclide, 1875.
Exemplaire avec les lithographies de Manet tirées sur vergé et sur Chine, de l'édition originale de la traduction de Stéphane Mallarmé.
L'entreprise éditoriale de la traduction de Poe par Mallarmé, illustrée par des eaux-fortes de Manet est bien connue. Les débuts en sont difficiles. Le projet est d'abord soumis à Alphonse Lemerre, qui paraît intéressé avant de se raviser après avoir sondé quelques uns de ses clients, préférant laisser à un autre la tâche de publier "ce livre superbe mais, je le vois, d'un débit difficile" (lettre du 13 mars 1875). C'est finalement Richard Lesclide (1825-1892) qui relève le défi technique que lui soumettent les perfectionnistes Mallarmé et Manet. La recherche tend à considérer qu'il faille revoir à la baisse le tirage annoncé de 250 exemplaires: il est probable que le chiffre exact soit plutôt de 150 exemplaires, qui est le total déclaré au dépôt légal, le 14 juin 1875. Ces exemplaires auraient été numérotés en deux groupes, de 1 à 100 et de 190 à 240 pour donner l'illusion d'une publication au succès immédiat -les numéros "manquants" devaient être imprimés dans un second temps, en cas de forte demande. La parution est annoncée par des affiches qui reprennent le profil de corbeau qui orne la couverture.

Au moment de la publication du Corbeau, la critique est unanime dans ses louanges : une chronique parue dans Le Siècle du 13 juin 1875 affirme que Manet "a vu plus que la lettre, il a senti et rendu l'esprit du poème...après avoir vu ses terribles eaux-fortes, comme après avoir dégusté la prose de Monsieur Stéphane Mallarmé, on ne les sépare plus du livre américain, et Le Corbeau devient inoubliable". Dans Le Gaulois du 9 juin 1875, Georges Mayrant renchérit en écrivant que dans sa traduction, "Mallarmé a trouvé moyen de parler américain en français, c'est-à-dire d'être en français, plus Poe que Poe lui-même. C'est un tour de force qui mérite d'être compté à son auteur". Il salue également les illustrations de Manet, qui "sont véritablement d'un sentiment de terreur et de froid interprété par un artiste. Nous sommes assez peu habitués à des tentatives de cette fière audace, pour ne pas souhaiter en terminant tout le succès possible à la nouvelle édition du Corbeau".
Malgré ces critiques dithyrambiques, le prix relativement modeste et la promotion, l'édition est un échec commercial, en France comme outre-Manche. Les mémoires d'Edmund Gosse sont tout à fait éloquentes à ce sujet, conjurant l'image de "Mallarmé, [this little, brown, gentle person]...trotting about in Bloomsbury [and] carrying the vast folio of his Manet-Poe through the lenghts and breadth of London, disappointed but not discouraged". Cette déception est à la mesure de l'admiration de Mallarmé pour Poe, qui voyait en lui "son grand maître" (Lettre à Henri Cazalis, 7 janvier 1864) et de son investissement ainsi que celui de Manet dans une entreprise éditoriale qui se voulait de grande qualité.

Grand in-folio (548 x 350 mm) de (6) ff. de texte, double suite des 4 lithographies de Manet, tirées sur Chine et vergé, et 2 lithographies pour la couverture (rognée au format 176 x 192 mm environ) et l’ex-libris tirées sur parchemin. Tirage annoncé à 240 exemplaires sur papier de Hollande (en réalité, plutôt autour des 150 exemplaires), celui-ci le n° 217, signé par le poète et le peintre (ce qui n'est pas toujours le cas) (piqûres et rousseurs prononcées aux planches sur Chine, petite réparation en marge inférieure du verso de la 2e planche sur Chine).
L'exemplaire est enrichi de l'affiche annonçant la parution de l'ouvrage, en juin 1875 : 370 x 310 mm, tête de corbeau lithographiée et texte imprimé en rouge, sur parchemin (l'affiche est rognée en partie inférieure).
Demi-reliure de l'époque : plats de percaline, le plat supérieur évidé et tapissé d'une reproduction de la tête de corbeau par Manet (usures et frottements au cuir du dos). Emboîtage.
Provenance : Sam Josefowitz, Pully – puis par descendance aux propriétaires actuels.

First edition of Mallarmé's French translation of "The Raven" by Edgar Allan Poe, one of the scarce copies with Manet's lithographs both on Holland and China paper. The copy is signed by Mallarmé and Manet. Contemporary half-binding. Also included is the poster advertising the book, brush transfer lithograph with red letterpress.
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